Conservation des crocodiles

Enjeux : protection des crocodiles et développement local

  • Historiquement, les crocodiles étaient considérés comme des animaux nuisibles et chassés sans restriction. Pour de nombreuses populations locales, cette chasse et la récolte des œufs étaient guidées par leurs besoins alimentaires, mais elle s’intensifia à mesure que les peaux prenaient elles-aussi de la valeur. En même temps, les zones humides étaient converties en agriculture pour des productions alimentaires commerciales.
  • Dans les années 60, la préoccupation de conservation commença à l’emporter sur celle de réduction des populations sauvages nuisibles, désormais menacées d’extinction. L’IUCN, l’agence reconnue de protection mondiale de l’environnement travailla à créer un instrument de régulation du commerce qui donna naissance à CITES (International Convention for Trade in Endangered Species of Wild Fauna and Flora) en 1975. Les signataires de CITES ont tous mis en œuvre une gestion de la vie sauvage liant commerce et programmes de conservation.
  • L’élevage de crocodiles a ainsi été développé dans les années 50 et 60 pour produire localement des peaux de crocodiles, et comme mécanisme de conservation et de repeuplement des populations sauvages d’animaux. Les fermes ont ainsi joué un rôle central pour éviter l’extinction des crocodiles. Dans de nombreuses régions isolées, les revenus issus de la récole des œufs ou des juvéniles procurent des incitations aux communautés locales pour protéger les zones humides, plutôt que de les convertir en d’autres formes d’usages productifs.

Des rapports officiels indiquent les résultats des politiques de conservation de crocodiles qui sont menées :

Cas

Etats-Unis : la chasse des alligators remonte au début du 19ème siècle. Le programme de conservation développé en Louisiane a permis d’atteindre une population sauvage d’environ 2 millions d’alligators en 2016 (alors qu’il ne restait que 10 000 nids en 1970, on estime qu’ils sont environ 51 000 en 2017). Les jeunes animaux nés dans les fermes sont réintroduits dans la nature afin d’assurer un maintien des populations. En Louisiane, 10% des jeunes sont réintroduits dans l’environnement. Cette politique a permis de tripler la survie des jeunes alligators de 3 à 9%.

Territoires du Nord australiens : Dans les Territoires du Nord australiens, un problème de sécurité sérieux a résulté de l’augmentation des crocodiles car ils se nourrissent d’être humains comme d’animaux. L’intolérance des populations qui en a résulté au début des années 80 a été surmontée par l’introduction de programmes générant des revenus issus des crocodiles. L’achat d’œufs sauvages par les fermes a permis de donner une incitation aux propriétaires pour protéger les crocodiles. La collecte des œufs n’a pas d’impact sur les populations sauvages de crocodiles qui atteignent désormais leur point d’équilibre. La population sauvage de crocodiles d’eau salée est maintenant stabilisée autour de 100 000 individus en 2019, alors qu’on estime qu’il ne restait plus que 5000 individus en 1971.

Cette abondance de crocodiles dans les régions sauvages du nord, du Queensland et de l’Ouest permet également le développement du tourisme, autre source de revenus pour les populations locales.

Crocodylus acutus en Colombie : Le Crocodilus acutus est largement présent en Amérique, des côtes de Floride au nord de l’Amérique du Sud. Ses populations étaient en déclin sévère du fait d’une surexploitation et d’une chasse commerciale non régulée ayant duré des années 30 aux années 60. Le gouvernement de Colombie a décidé d’interdire la chasse en 1968 et alors mis en place des programmes de conservation fondés sur l’utilisation durable des animaux.

A côté du projet pilote de conservation de la baie Cispata, les fermes commerciales colombiennes enregistrées au CITES sont impliquées dans les programmes de conservation de différentes façons : elles peuvent remettre à la nature 5% de leurs populations d’élevage ou décider de financer des programmes sociaux ou environnementaux. Ces actions démontrent le lien entre l’utilisation responsable des ressources sauvages et la conservation des espèces.

Crocodylus moreletii au Mexique : Les populations indigènes des côtes mexicaines capturaient depuis toujours les crocodiles dans les rivières et estuaires pour les consommer et les utiliser à des fins médicales. Quant à l’utilisation commerciale des peaux, on retrouve des données datant de 1855. En 1902, les tanneries des Etats-Unis recevaient environ 280,000 peaux de crocodiles dont la moitié venait du Mexique et d’Amérique centrale. Dans les années 1940, le Mexique développa la tannerie des peaux et l’industrialisation du gras, des os, de la viande et du musc.

Dans les années 1970, les populations sauvages avaient sévèrement décliné et étaient menacées.  Le gouvernement mexicain décida d’interdire la chasse et l’exploitation en 1970 et le Moreletii fut alors inclus dans les espèces concernées par le CITES, en 1975. Grâce à une politique de conservation active, l’espèce n’est plus considérée en danger d’extinction depuis 2004, avec une population d’environ 100 000 individus.

Coordonnés par la Mexican CITES Scientific Authority (CONABIO), des programmes de conservation pilote impliquent les fermes et les communautés locales dans la conservation des animaux et de leur habitat. Le modèle économique permettant d’assurer la durabilité est fondé sur la vente des juvéniles aux fermes.

Le crocodile du Nil en Afrique du sud : En Afrique, le crocodile du Nil est associé à des pouvoirs spirituels dans de nombreuses cultures locales, dans des contextes sociaux et économiques variés.

Les crocodiles ont été intensément exploités pour leur peau de façon incontrôlée au 19ème siècle. Ils étaient largement exterminés au début du XXème siècle, étant alors encore classés comme nuisibles. Plus récemment, le développement d’activités agricoles a entraîné, en dehors des zones protégées, une réduction de leurs espaces de vie. Au début des années 1990, la population totale de crocodiles du Nil en Afrique du Sud était estimée autour de 9500. Les derniers comptages (2017 – 2019) de population sauvage ont identifié 10 663 individus, principalement dans les zones protégées. Les élevages comptent aujourd’hui plus de 16 500 adultes.

La croissance des populations d’élevage a été permise par la légalisation du commerce de produits de crocodiliens. L’Afrique du sud est devenue membre de la Convention on International Trade in Endangered Species (CITES) en 1975, qui a autorisé le commerce des peaux en 1992. La Constitution Sud-Africaine reconnaît l’utilisation durable des ressources naturelles. Des réglementations ont été adoptées pour promouvoir, contrôler et protéger l’utilisation de la faune sauvage, y compris les crocodiles en dehors des zones protégées.

L’élevage de crocodile est reconnu par le gouvernement comme un acteur de la politique de préservation de la biodiversité du pays. L’industrie soutient de nombreuses recherches en faveur de la conservation, apporte son aide pour le suivi des populations sauvages et est engagé à réintroduire des animaux à l’état sauvage si les agences de conservation le requièrent.

Le commerce légal a ainsi significativement contribué à la réduction du braconnage et de la chasse des crocodiles sauvages. Seuls persistent quelques braconnages à des fins de sorcellerie ou de médecine traditionnelle, ainsi que des chasses ou destruction de nids en réponse à des attaques par des animaux de populations vivant près des mêmes ressources en eau.

Plusieurs programmes de conservation ont réussi à assurer la protection des crocodiles sauvages en dehors des zones protégées en apportant d’incitations économiques aux populations locales qui vivent près des animaux sauvages. L’industrie de l’élevage et le gouvernement sud-Africain travaillent ensemble au développement de ces incitations. Ces initiatives incluent des programmes de formation et des créations d’emplois grâce au tourisme et aux activités commerciales liées à l’élevage.

Documents officiels des agences de conservation

IUCN ABU DHABI : Les experts de l’IUCN ont lancé un appel pour des actions de conservation des espèces qui incluent leur utilisation durable.

The Abu Dhabi Call for Global Species Conservation Action_FINAL_ADOPTED_091019

AFWA : L’association des agences de pêche et de la vie sauvage a adopté une résolution réaffirmant son soutien à un commerce durable et régulé des poissons et de la faune sauvage.

AFWA sustainable use resolution

Les experts de la conservation des espèces ont écrit des tribunes pour expliquer en quoi la consommation responsable et durable est au cœur des politiques de conservation